Assises Régionales de l’Eau

Le 25 mai Simon POPY,  Président de FNE LR, a été invité à intervenir comme témoin citoyen, pour conclure la 1ère séquence des assises régionales de l’eau. Vous trouverez le texte de l’intervention çi dessous ainsi que les documents de séance et de synthèse de cette journée.

« Bonjour et merci de me donner la parole au sein de ces 1ères Assises Régionales de l’Eau.

Je suis chargé d’apporter un « témoignage citoyen ». Certains seront peut-être surpris de voir le titre qui m’est accolé, mais c’est bien comme citoyen engagé bénévolement que j’occupe actuellement la fonction de président de la fédération France Nature Environnement du Languedoc-Roussillon. Si je représente la société civile c’est donc plus au travers d’un mouvement associatif qu’en mon nom propre.

Les deux fédérations de la nouvelle région (qui sont engagées dans un processus de fusion) représentent près de 200 associations de protection de la nature et de l’environnement, soit environ 16 000 personnes.

Je ne suis pas moi-même spécialiste de l’eau, mais notre mouvement est organisé en réseau à toutes les échelles et en matière d’eau il structure, anime et aide à monter en compétence les associations des 2 bassins.

Vous aurez compris qu’avec le changement climatique, les températures vont augmenter, le volume et la répartition des pluies vont changer, notamment avec une diminution des précipitations utiles et une augmentation des extrêmes, entraînant une recrudescence des sécheresses, incendies et inondations. Sans oublier la submersion du littoral.

Au cours des prochaines décennies on prévoit également que la démographie continuera à augmenter.

Par ailleurs, on constate encore trop souvent des choix qui ne sont pas à la hauteur des enjeux, et on constate que les enjeux de court terme prévalent encore bien trop souvent sur les enjeux d’adaptation au changement climatique.

Dans ce contexte on peut s’attendre à des conséquences notables :

  1. sur la tension sur la ressource en eau, qui va aller croissante, avec des conflits d’usages, et une dégradation de la qualité de l’eau
  2. on s’attend également à une aggravation de la crise de la biodiversité qui implique au passage une tension croissante entre protection de la nature et activités humaines ; on parle aujourd’hui de 6ème crise d’extinction ; par exemple on estime que les poissons ont actuellement un rythme d’extinction 300 fois supérieur à la normale ; autre exemple le Living Planet Index montre une diminution moyenne de -76% des abondances des espèces d’eau douce en seulement 40 ans au niveau mondial

Par conséquent, les décideurs et acteurs économiques, que vous êtes pour bon nombre d’entre vous, ont une immense responsabilité, pour ne pas transmettre, à leur tour, un problème encore aggravé aux suivants.

Je ne vais pas m’attarder sur l’état des lieux mais plutôt rebondir sur les enjeux de la politique de l’eau, en particulier régionale.

Pour nous, monde associatif, le 1er enjeu est qu’il faudrait commencer par se donner les moyens de faire respecter les lois et règlements, ce qui est encore loin d’être le cas partout. Lorsque les moyens sont limités, cela signifie peut-être revoir certaines priorités.

Le 2ème enjeu est qu’il faut soigner la gouvernance en matière d’eau : la seule manière d’assurer la légitimité, et donc l’application des décisions au fil du temps, est d’y associer étroitement la société civile ; or, si la gestion concertée de l’eau est la pierre angulaire, on constate que dès que la tension sur la ressource s’accentue, c’est la protection des intérêts particuliers de certains acteurs qui prend le plus souvent le pas sur les belles résolutions de la concertation.

Nous pensons que la démocratie doit être permanente, pas seulement quand tout va bien. Il ne sert à rien de faire de grands plans si en dernier ressort, ce sont toujours les mêmes lobby à qui ont donne le dernier mot.

Le 3ème enjeu pour nous est d’intégrer l’idée que les ressources ne sont pas infinies, et qu’anticiper c’est être capable de penser et d’exprimer l’idée de limite. Il est primordial de promouvoir un changement culturel dans un monde qui pousse les gens en permanence à l’hyperconsommation, et où on finit par confondre plaisir et bonheur…

De notre côté, nous mettons beaucoup d’énergie dans la sensibilisation du public, l’éducation à l’environnement, mais cette tâche doit aussi être portée politiquement de manière active et cohérente.

Nous pensons également qu’il faut prévenir plutôt que guérir : tout le monde est d’accord là-dessus, mais il existe pourtant une nuance de taille sur « en quoi consiste l’adaptation ». Est-ce qu’il s’agit de s’adapter pour que rien ne change, par exemple, en matière d’agriculture : construire des barrages pour maintenir une agriculture irriguée de plus en plus inadaptée à son contexte ? ou s’agit-il de provoquer et d’accompagner l’évolution des pratiques agricoles pour réduire à courte échéance leur dépendance à l’irrigation ?

Evidemment, pour nous, il s’agit de promouvoir avec force l’agroécologie, valoriser les bons exemples, sortir de la dimension expérimentale les pratiques qui ont démontré leur efficacité (comme l’agroforesterie) ; se méfier des fuites en avant qui consistent à miser en priorité sur le stockage de l’eau ;

Il faut hiérarchiser différemment les priorités : 1° privilégier les économies d’eau (en y mettant les moyens nécessaires) / 2° optimiser l’utilisation des ressources captives existantes / 3° innover / 4° stocker, mais en dernier recours.

Ensuite il n’y a pas que la ressource quantitative qui nous préoccupe mais également la qualité de l’eau, et puisqu’on parle de sécuriser les approvisionnements, on devrait parler également en termes de sécurité pour la santé des populations. Là encore, pour nous, il est essentiel de prévenir les pollutions à la source et donc, de valoriser les pratiques agricoles économes en intrants et de mettre les industriels pollueurs face à leurs responsabilités.

Le 6ème enjeu pour nous associations de protection de la nature et de l’environnement, c’est d’intégrer l’idée qu’économiser les ressources publiques, c’est également ne pas tout miser sur de grands aménagements coûteux pour la société, et comprendre que la préservation de la qualité et de la quantité de la ressource en eau passent par la préservation des écosystèmes naturels humides.

Il est impératif, non seulement de stopper la dégradation des zones humides, mais d’aller plus loin et de restaurer celles qui peuvent l’être, afin de reconquérir leur fonctionnalité. Y compris dans une logique économique, cet effort reste pour nous l’investissement le moins coûteux et le plus durable pour lutter contre les problèmes d’eau.

Le 7ème enjeu, qui découle du précédent, c’est d’aboutir à une intégration beaucoup plus poussée de la problématique eau dans l’aménagement du territoire. Ce qui signifie :

  1. arrêter absolument la dynamique d’artificialisation massive que nous connaissons depuis 20 ans, trouver comment mettre en œuvre concrètement la désimperméabilisation, inventer une urbanisation qui respecte les nappes, les cours d’eau et les zones humides ; c’est stopper l’artificialisation des cours d’eau et leur rendre de la liberté, c’est stopper les prélévements de sables et graviers ; etc
  2. prendre en compte l’eau dans l’aménagement du territoire c’est également mettre un coup d’arrêt aux projets abusifs (comme les nombreux projets de golfs en zone méditerranéenne), et autres créations de retenues d’eau, qui pour faire baisser le degré du vin, qui pour faire du téléski nautique, qui pour ouvrir des centaines d’hectares à l’urbanisation ou sauvegarder de manière illusoire une agriculture non-durable ; voire tout en même temps.
  3. en montagne, c’est arrêter de s’aveugler avec des projets d’agrandissement de stations de ski ou de généralisation des équipements en canons à neige alors que ces activités sont condamnées au déclin.

Enfin, pour nous il est urgent d’être plus ambitieux dans la traduction des objectifs de la Directive Cadre sur l’Eau et de cesser de les édulcorer. Le but est de pousser les activités économiques qui affectent l’eau à évoluer, et non l’inverse. Etant associés à l’élaboration des SDAGE nous sommes familiers du processus de détricotage des textes et nous ne pouvons que regretter qu’un vocabulaire d’intention finisse systématiquement par remplacer le vocabulaire de l’action dans l’élaboration des documents cadres. Ces pratiques nous paraissent incompatibles avec l’ampleur des objectifs affichés.

En conclusion, dans la perspective d’un nouveau schéma régional de l’eau, si je suis là aujourd’hui, c’est pour vous rappeler, au nom du mouvement associatif que je représente, qu’il n’est pas nécessaire de gaspiller l’argent public à faire de grands plans s’ils ne sont pas ambitieux, assortis de moyens suffisants et suivis d’effets réels.

Merci de veiller à cette cohérence, et merci de votre attention.  »

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Pour  plus d’informations sur cette journée ,vous trouverez également deux documents complets:

  • les actes détaillés des présentations et discussions qui ont eu lieu lors de cet événement: cliquer ici
  • ainsi qu’une synthèse de ces échanges : cliquer ici

Les documents sont également disponibles depuis la page internet  de la Région dédiée aux Assises : http://www.laregion.fr/assisesregionalesdeleau

Simon Popy

Président de FNE OCMED